dimanche 1 août 2010


Depuis la Belgique

C'est avec le cœur dansant et en écoutant Avava Inouva d'Idir que je vous écris ce soir, depuis Bruxelles.

Me voilà de retour en Belgique. Après une bonne nuit de sommeil, je commence à réaliser que mon aventure est finie. Toutefois, la Tunisie restera toujours bien vivante en moi. Elle m'a offert la surprise de sa beauté, la douceur de son amabilité, le bonheur de l'amitié. Elle m'a ouvert ses portes sans demander mon identité, et m'a ravit avec générosité. L'odeur du jasmin berce encore mes souvenirs, la Tunisie me manque.

En Tunisie, j'ai appris à prendre les mauvaises comme les bonnes surprises, car ce sont toujours des leçons de prises. Contrairement à toute autre espèce, l'être humain est en changement perpétuel, sans jamais revenir en arrière. Chaque expérience nous change, et, si nous le lui permettons, elle nous enrichit. Comme je l'ai dit auparavant, il faut laisser grandir notre cœur, jamais essayer de le contracter.

Mon retour que j'avais du mal à accepter est maintenant réalité. Je quitte donc ce blog, mais je le quitte avec le cœur comblé. Comblé de paysages, comblé de musiques, comblé d'aventures, comblé d'émotions, comblé d'amour.

La vie ne te laisse pas tomber si tu ne la laisse pas tomber. Vivre, pour ce que la vie a à offrir.

Un magnifique texte d'Idir, que je ne peux que vous retranscrire

Quand j’ai fait cette chanson, j’ai plus ou moins directement pensé à la mienne, et donc inévitablement à la vôtre, aussi. Et il me vient, dans mon enfance, l’image, une vision donc, des temps où nous étions dans ma Kabilye natale, elle et moi. Je devais avoir quatre, cinq, six ans, mais pas plus. Elle était là, à côté de moi, en train de battre du lait qu’elle a mis dans une sorte de calebas, et elle battait son lait en faisant ce geste là, peut-être comme certains d’entre vous ont dû déjà voir faire.

Ce qu’il y avait de curieux c’est qu’à travers le rythme qu’elle imprimait à son instrument, comme ça, elle rythmait aussi des choses qui venaient du fin fond de son cœur, de son fort intérieur. Et donc je la voyais, soupirer, beaucoup ; chanter, énormément. Sourire, parfois. Pleurer, aussi. Mais, vous savez, à quatre, cinq, six ans, vous n’avez pas toutes les données, et bien sûr ayant grandi et surtout ayant emmagasiné ces visions et ces sons dans ma tête, je me suis rendu compte alors qu’elle ne faisait que se confier à cet instrument, qu’elle pratiquait parce que certainement qu’à l’époque elle ne devait pas avoir d’autre interlocuteur valable. Et à travers ce qu’elle disait, du moins de que j’en ai compris, on voyait la situation d’une femme, chez nous, subissant la loi du milieu, la loi du mal. D’autant plus que le papa n’étant pas là, ça rajoute encore un peu de drame à cette chose-là.

Et j’ai compris une chose qui a été essentielle dans toute ma vie, c’est que s’il n’est déjà pas évident d’être une femme en général, dans n’importe quelle société, qu’elle soit moderne ou pas, ça l’est encore moins dans une société à forte tradition comme la notre. Et j’en voyais pour illustration cette dame qui se trouvait être ma maman.

J’ai aussi senti vite que cette chanson ne m’appartenait pas tout seul mais qu’elle nous appartenait tous, vu les rapports spéciaux que l’on a avec nos femmes ; que ce soient nos sœurs, nos mamans, ou autre. Aujourd’hui je la partage avec vous, mais ça fait longtemps, longtemps, longtemps, que je demande toujours mais inlassablement la même chose, aux gens devant qui j’ai l’honneur d’essayer de m’exprimer. Et ce soir, dans ce lieu mythique de Carthage, je vais vous le demander.

Essayez, si vous le voulez, si vous le pouvez, d’avoir l’image claire, précise, mais surtout lumineuse de celle qui vous a donné la vie, ou simplement de celle que vous aimez. Qu’elle soit ou non de ce monde, je sais qu’elle sera à jamais gravée dans nos cœurs. Si elles ne sont plus là, réjouissons-nous de les avoir connues. Pensons surtout à ces larmes qu’on a versées devant ces chères tombes. Ces larmes qui proviennent certainement des mots qu’on n’a pas pu dire ou su leur dire, ou des choses qu’on a pas faites, qu’on a pas su faire. Si elles sont encore là, magnifions-les encore et encore, célébrons-les parce que nous avons tous quelque chose à nous faire pardonner de ne pas… Ne dites pas non tout de suite, cherchez et vous verrez.

Si l’un d’entre nous, je dis bien « nous » parce que nous formons une petite famille ce soir, a eu le courage, l’audace, d’aller pêcher dans le très fond de nos cœurs le moindre de leurs frissons, le moindre de leurs fragilités, cessez de voir ne serait-ce que le temps d’une chanson l’image d’une maman couveuse ou allaiteuse, tradition oblige, mais laissez la place à une femme, tout simplement. Avec ses fragilités, ses contrariétés, ses amours, ses illusions, ses droits.

Et à côté de cette femme qui est la notre, ce soir, j’aimerais que l’on pense à ces millions de femmes, qui sont restées là-bas de l’autre côté de la frontière, parce qu’elles n’ont pas peut-être l’occasion de vivre des moments comme ceux de ce soir, je voudrais que d’ici en Tunisie on leur adresse une pensée, d’abord de façon à ce qu’ici ce soir à Carthage, il n’y ait pas de tunisiens, de marocains, d’algériens, de libyens ou autres, mais quelques milliers de cœurs qui sont là, assis les uns à côté des autres, prêts à sortir d’eux ce qu’ils ont de magnifique en émotions, en tendresse.

Et puis de cette contemplation naîtra une super énergie pleine d’émotions, elle traversera la frontière, et elle ira porter notre salut et surtout s’éparpillera en millions de morceaux, chaque petit morceau étant un tout petit peu de bon dans leur cœur qui en a bien besoin. Et je sais que si l’on réussi ça, et on le réussira, il sera écrit quelque part dans le ciel de Dieu, que ces quelques milliers de femmes en ce soir de juillet, ont fait quelque chose d’extraordinaire, vraiment.

(Désolée pour la qualité médiocre de la vidéo, mais j'ai du fortement diminuer la qualité de la vidéo car ce site ne me permet pas de mettre de gros fichiers...)

Mes yeux voient une dernière fois cette terre que mon coeur verra à jamais

Day thirty – 31.07.2010


Ce matin, mon aventure prend fin. Les émotions des derniers jours, extrêmement nombreuses et intenses, me touchent plus que jamais. L’arrivée du retour que je n’arrive pas à envisager me plonge dans un vide par rapport au futur. Je réalise l’inépuisable richesse qui s’est offert à moi ce dernier mois et je doute alors de la réalité du passé. Tant de beauté, tant de merveilles, tant de découvertes, tant d’émotions, de sentiments.

Je crois que ce voyage n’a laissé aucune partie de moi intacte. En touchant, à chaque expérience, une partie différente de mon intérieur, la vie m’a fait douter, réfléchir, réagir, m’adapter et continuer. Elle m’a permis de m’élever afin d’observer la beauté infinie de la Nature, pour après me plonger dans l’océan des sentiments les plus profonds.

En me confrontant à mes habitudes, à mon propre mode de vie, elle m’a poussé à changer la source principale de réassurance de l’être humain. En me confrontant à la Nature, elle m’a démontré la médiocrité trop souvent oubliée des Hommes face à celle-ci. En me confrontant à une nouvelle société, elle m’a appris à écouter avant de penser, de voir avant de trancher. Elle a détruit mes préjugés pour y construire la réalité. Enfin, en me confrontant aux autres, elle m’a apporté les plus grandes surprises de la vie, les plus belles expériences. Elle m’a appris la beauté de l’amitié sincère et totale, tout en me rappelant que déception rime avec destruction, mais heureusement aussi avec exception.

Ces derniers jours, je dors très peu, voir pas. Je ne veux perdre aucune minute, aucune seconde. Je veux tout faire, tout voir, tout sentir, tout vivre. Le Festival de Carthage, le match de foot, aller à la plage avec les copains, je ne peux pas m’en lasser. La nuit, je me retrouve à apprendre un jeu de cartes tunisien, déambuler dans les couloirs endormi s de la résidence, discuter pendant des heures sans voir le sablier couler.

C’est ainsi que je passe mes derniers jours à Tunis. Perdue entre un futur que je n’arrive pas à réaliser et un passé qui ne semble pas réalité, je vis le présent. Chaque minute, chaque seconde. Une par une.

Ce matin, je prends le taxi. Il est 5h45 du matin. Mon ami et moi avons bavardé toute la nuit en finissant ma (j’avoue, mes) valises. Je suis encore enivrée par le présent qui ne se fond pas encore tout à fait dans le passé et le futur qui n’arrive pas encore. Tout va bien.

Toutefois, au fur et à mesure qu’avance le taxi en parcourant un chemin inconnu vers l’aéroport, je me rends compte de la réalité qui occupe maintenant le moment présent.

Petit à petit, mon cœur se serre, je sens comme un lourd nuage se former dans ma poitrine. Une fois mon billet d’embarquement en main, je réalise que celui-ci certifie mon retour en Belgique. Le nuage s’alourdit.

A présent, il pleut. Chaque seconde est un souvenir de remémoré. Chaque souvenir engendre la naissance d’une larme. Je ne peux m’en empêcher. Un voyage aussi magnifique aura touché toute ma personne. La Tunisie est un pays extraordinaire. Sa Nature est à couper le souffle. Sa population est gaie, chaleureuse, et très accueillante.

Mon cœur bat plus fort que jamais. Les larmes coulent, le cœur pleure, mais uniquement parce qu’il est trop chargé d’émotions. Ce soir, je serai en Belgique, alors que mon cœur est encore comblé par les émotions de ces derniers jours à Tunis.

Mon voyage se passe bien. Rien à redire. Je me ballade, moi, mes deux valises, mon sac et ma cage à oiseaux dans l’aéroport de Paris. Pas très pratique, mais si je m’assieds, je m’endors. Malgré le refus de mon cœur pour qui la peine est encore trop lourde, ma tête ne fait que se souvenir. Les scènes défilent. Je revois Tunis, mes amis, les gens, la vie. La vie, tout simplement.

Me voilà rentrée. L’odeur que je perçois en rentrant à la maison me rappelle celle que je retrouvais lors de nos retours en vacances pendant mon enfance. Oui, je reviens de loin. Mais moins en distance qu’en émotions.


J’ai fait voyager mon cœur, et lui m’a fait voyager encore plus en retour. J’ai découvert mille beautés infinies avec mes yeux, mais j’ai surtout rencontré mon cœur comme je ne l’ai jamais connu. La Tunisie m’a apporté beaucoup, énormément, infiniment.

Mon cœur refuse d’y croire

Day twenty nine – 30.07.2010


Jour de clôture. Aujourd’hui, un mois touche à sa fin. Aujourd’hui, une aventure bâtie de délices et de merveilles, parfois douces parfois amères, trouve son point final. Moi, à l’intérieur, je ne trouve pas ce point final. Oui, un mois est passé ; mais les expériences que j’ai vécues et les enseignements que j’ai acquis ici perdureront toute ma vie.

La Tunisie m’a offert la surprise d’une vie infiniment riche. Au fil des aventures, des imprévus, des déceptions, des émotions, des sentiments intenses, des joies débordantes, elle m’aura perpétuellement enrichi. En si peu de temps, je me sens d’une part rapetisser face à cette nature que je découvre majestueuse, et, d’autre part, je me sens grandir énormément à l’intérieur.

Mon cœur bat. Il bat toujours. Mais jamais de la même façon. Sincère jusqu’à être translucide, il danse. Son rythme est uniquement défini par l’aventure. Mon cœur bat comme pour former une symphonie de Mozart. Tantôt calme, elle augmente soudainement en intensité et en rapidité.

Ce soir, nous assistons à la fête de fin de séjour organisé par l’institut. Pendant quatre heures, nous restons assis face à l’estrade à voir défiler des spectacles. Intéressants, mais trop longs. Notre ami, qui doit présenter une poésie du poète Abu al-Qasim al-Shabi, considéré comme le poète national de la Tunisie, attend toujours son tour. A 23h45, on nous pousse vers la sortie. Notre ami n’est pas passé. Sa représentation a été annulée. A l’intérieur, je bous. Comment avoir pu sacrifier la déclamation d’un tel chef-d'œuvre au profit de ce qu’ils ont montré à la place ? Bref. Je ne veux pas m’énerver, j’en reste là.

A 1h du matin, affamés, nous cherchons un restaurant encore ouvert. 30 minutes après, notre estomac est apaisé mais à l’intérieur, j’ai encore la colère dans le cœur. Je n’en reviens toujours pas. Lentement, nous marchons jusqu’à la résidence. La nuit est calme. Nous voilà de retour. En rentrant à la résidence, j’essaye de me faire à l’idée que demain, je la quitterai pour de bon. Mais ma tête et mon cœur ne coïncident pas : ma tête envoie un message que mon cœur refuse de recevoir.


Cette nuit sera mémorable. Rien de spécial, mais tout d’extraordinaire. Une nuit comblée d’émotions, allant de la joie envahissante à la tristesse intense. Je n’aime plus ma chambre. Les valises qui y règnent désormais me rappellent sans cesse que le départ est proche…