samedi 31 juillet 2010
Le pouvoir d’un paysage, le pouvoir de la musique
Day twenty eight - 29.07.2010 (écrit le 30.07.2010)
Dix. Quinze minutes maximum. Tous les jours depuis que je suis arrivée, le soleil, si présent à Tunis, a rendez-vous avec un ciel arborant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Juste en face de ma fenêtre. Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai l’honneur d’assister au spectacle. Quand j’y pense, je dois être la seule, à l’exception de deux ou trois, à avoir le privilège de pouvoir contempler une telle merveille aujourd'hui.
Sans prévenir, un trait d’un rouge vif apparaît à l’horizon que forment les bâtiments. Pourtant puissante, cette fine ligne est tremblotante. Lentement et rapidement à la fois, ce trait s’épaissit. Finalement, le soleil apparaît comme une montgolfière au dessus de Tunis. En l’espace d’une minute, le soleil devient impossible à fixer des yeux. C’est comme si pouvoir l’observer était un privilège tel qu’il serait accessible uniquement quelques minutes de la journée, au risque de devenir banal.
L’examen oral d’hier se passe plutôt bien. Après une heure d'examen de compréhension, j’ai quatre heures d’attente avant de passer l’expression orale. Je crois devenir folle. Les deux premières heures et demi passent relativement vite, mais les derniers moments me paraissent une éternité. Au moment de passer, je me tiens devant deux professeurs aussi fatigués et lassés de cette journée que moi. L’examen se passe bien. Nous parlons, rigolons, échangeons, partageons. Soulagée d’en avoir fini, je sors le cœur léger.
Le soir, nous décidons de retourner au Festival international de Carthage pour assister au concert d’Idir. Cette nuit, mon cœur bat en double. Plus puissant que jamais, il reflète la force des émotions que je vis. Après un mois d’aventures et de découvertes, mon cœur est encore aussi émerveillé qu’un enfant par le spectacle qui s’offre à moi.
La musique a un pouvoir immense. Poétique, engagée, dansante ou bien reposante, sa magie est d’ouvrir le cœur des Hommes et de laisser paraître jusqu’aux sentiments les plus profonds. Qui n’a jamais pleuré en écoutant telle ou telle chanson ? Qui n’a pas senti son cœur vibrer d’émotion au son de telle ou telle autre ? La musique est la langue des émotions. C’est la langue universelle parfaite, la meilleure solution à la malédiction de la multiplication des langues suite à l’épisode de la tour de Babel.
Par un enchaînement de notes, par un soupçon de magie dans les mots, la musique reste le seul moyen de communication qui fait abstraction des différences de cultures et de religion. Une mélodie gaie sera perçue comme telle par l’ensemble de l’humanité. Elle a le pouvoir de marquer sur le moment, de rester en chantonnant, de revenir en souvenir.
Ainsi, le public, d’abord extrêmement calme et réservé, grimpe d’émotion au fur et à mesure qu'Ismael Lô, qui précédera M. Idir, s’exécute. Certains, isolés, se lèvent, dansent, chantent. Nous ne tardons pas à les suivre. Ismael Lô est nigérien. Il chante pour l’Afrique, son Afrique, notre Afrique. Ce rythme, cette mélodie, ces tam-tams. Tout va direct à mon cœur. Mon cœur a grandi en Afrique, il retrouve ses racines.
Enfants, nos cœur sont, même si vulnérables, absolument ouverts. Chaque expérience, chaque échange, chaque partage, fait grandir notre coeur. Une fois adulte, nous encageons notre cœur et au lieu de faire grandir celui-ci, c’est plutôt la tête que nous laissons grandir.
Le présent est déjà passé et le futur est déjà présent. Avant de nous en rendre compte, le passé a dépassé le futur. Ce futur devient passé. La vie ne s’arrête pas. A nous de trouver notre propre rythme, notre propre ambition.
jeudi 29 juillet 2010
Le culte sportif
Day twenty seven - 28.07.2010
La Tunisie ne cesse de me faire vivre. Vivre de nouvelles expériences, certes, mais aussi, et ce qui est peut-être complémentaire, vivre de nouveaux sentiments, de nouvelles sensations. Ce soir, je me retrouve entre 57 000 personnes. Ce soir, ce sont 57 000 voix qui s’acclament, 114 000 mains qui applaudissent, 114 000 yeux concentrés sur une seule chose : le ballon. Ce soir, c’est Paris Saint Germain vs. Olympique de Marseille.
Oui, vous l’avez compris. Me voilà dans un stade de foot. Au début véritable improvisation, cette expérience se révèle humainement et sociologiquement intéressante. J’adore la sensation. J’ai l’impression de vivre dans un film. Le stade est gigantesque (60 000 places). Ce soir, le record de places remplies est battu.
Emerveillée par tout ce qui se passe autour de moi, j’avoue avoir du mal à me concentrer sur ce qui se passe sur le terrain. Les équipes qui jouent sont françaises, mais les drapeaux sont tunisiens ou algériens. Des groupes se forment parmi les supporters en fonction de leur préférence… d’équipe nationale !
Comme dans toute passion, les opposés s’affrontent. Des chansons se succèdent, toutes traduisant la passion qui meut les supporters affamés. Quelques turbulents se font sortir par des policiers.
Le match finira par des tirs au but. L’OM a gagné. Ensuite, après plus d’une heure de marche pour trouver un taxi, mes amis et moi sommes enfin sur le chemin du retour. Il est tard, mais la vie n’attend pas.
Ce matin, une fois l’examen écrit terminé, et après un moment d’hésitation, je décide de tenir ma promesse. Je retourne donc une quatrième fois à Carthage pour une courte visite, qui se limitera à aller chercher le sable qui alimentera ma collection. Sur le chemin du retour, je découvre le respect, l’insolence, les contrôleurs tunisiens, et le poste de police (don’t worry, juste un petit malentendu). Cette après-midi, en marchant, je profite de Tunis. Je m’imprègne de son atmosphère, je m’alimente de
l’image de ses rues. Je veux tout graver dans ma mémoire.
Ces jours-ci sont particulièrement chargés en émotion. Plus que me sentir vivre, je me sens renaître chaque jour, à chaque nouvelle expérience. Je découvre une vie aux mille couleurs, aux mille tourbillons de douceurs. Elle me fait sentir, me fait vivre. Avec toute sa force, elle fait battre mon cœur au rythme des aventures. Jamais je n’aurais imaginé vivre ici toutes les merveilles qui se dévoilent à moi chaque jour, parfois entièrement par surprise.
Aujourd’hui, je m’empêche de penser au retour, même si c’est parfois inévitable. Passionnée, je veux vivre chaque seconde avec la même intensité. Je veux voir tout ce que la Tunisie a à m’offrir, tout ce que la vie peut encore me révéler. Plus que l’habiter, je veux vivre cette vie.
mercredi 28 juillet 2010
Une note de musique, des étoiles dans le ciel, des étoiles autour de moi
Day twenty six - 27.07.2010
Un train fantôme glisse sur l’eau. Seul à occuper une fine bande de terre traversant le lac de Tunis, il semble naviguer parmi les bateaux que nous dépassons. Dans la nuit noire, percée uniquement par quelques lueurs qui viennent s’étaler sur l’eau paisible, le train nous mène vers Carthage.
Carthage, ville des trois civilisations, riche de tellement de cultures. Ce soir, nous allons au Festival international de Carthage, voir Sabah Fakhri, chanteur syrien, né à Alep en 1933. Je me cache derrière mon masque pour avouer n’avoir jamais entendu son nom ni sa musique. La culture arabe a encore beaucoup à m’apprendre.
Maître du Tarab, cette ivresse musicale qui saisit l’auditoire mélomane, Sabah Fakhri a apporté une touche novatrice en élargissant la petite formation traditionnelle de chambre (muwachchach) à tout un orchestre.
Vingt minutes avant le début, les musiciens rentrent. A 22h pile, le son du qânûn se fait entendre. Allahu akbar. Dieu le plus grand. Le concert commence toujours par une prière.
Ce soir, mes sens quittent mon corps. Libérés, ils s’élargissent, se séparent, s’entremêlent, s’interrompent. Je ne vis que par mes sens. Mon corps semble oublié. Dès l’entrée, mon odorat est secoué. Essayant de me frayer un chemin parmi la foule sans cesse croissante à l’entrée, les odeurs s’intensifient. Les parfums puissants des dames déguisées pour l’occasion se mélangent à l’odeur de cigarette du policier et aux différents parfums des hommes, sueur ou eau de toilette.
Le spectacle commence. Monsieur Sabah, 77 ans, rentre sur scène. Joyeux, comme un garçon qui aurait oublié son âge, il danse, il chante. Il est heureux. Après une demi-heure, un monsieur l’interrompt en plein chant pour le forcer à s’asseoir. Monsieur Sabah résiste. Même assis, ses pieds continuent à danser, ses mains l’accompagnent.
Mon ouïe est émerveillée. Comblée, elle n’en demande que davantage. Au son merveilleux de la voix de Sabah Fakhri viennent s’additionner les voix du chœur qui l’accompagne. Comme par enchantement, un deuxième chœur s’improvise, qui vient complémenter les deux autres concerts : le public chante ; enivré, il s’envole avec eux. Pendant quelques heures, ils côtoient leur idole, ils font partie du spectacle.
Une fois la première note avancée, l’atmosphère change. La gente masculine, qui est d’ordinaire imperturbablement sérieuse et hautaine, perd sa rigidité. Après quelques minutes, je surprends les deux hommes assis devant moi en train de faire danser leurs poignets pour dessiner dans l’air la représentation de leur joie. Ils sourient, chantent. Croyez-moi, c’est rare de voir les tunisiens comme cela.
J’admire le spectacle. Tant celui qui se trouve sur la scène, dont les couleurs et la beauté occupent mes yeux ; que celui qui se passe tout autour de moi. Ils sont complémentaires. L’un ne serait pas aussi beau sans l’autre, et inversement. Le qânûn improvise un solo. Mes oreilles, sensibilisées par tant de caresses, perçoivent jusqu’au glissement des doigts sur la corde, avant de se délecter de la vibration de celle-ci. Les notes se détachent pour ensuite se rassembler et former la mélodie.
Une musique exceptionnelle, qui m’a fait voyager. Un voyage qui titille tous mes sens, qui les fait vibrer à une fréquence jamais essayée auparavant. Un moment inoubliable.
mardi 27 juillet 2010
Day twenty five – 26.07.2010
Derniers jours de cours, dernières révisions. Plus de temps à perdre, les examens approchent. Mais la Tunisie m’appelle à elle, rien à faire. Assoiffée, je cherche plus que jamais à m’accrocher à elle, à la retenir, à la vivre. Je veux vivre la Tunisie comme on vit une vie. Plus je sens le départ s’approcher plus je m’acharne, tel un enfant qui s’accroche aux jupons de sa mère à la maternelle.
Ce soir, je suis chargée d’une dose supplémentaire de bonheur. Le vent qui souffle furieusement sur Tunis depuis quelques jours nous apporte fraîcheur. Mon bonheur est géant. Pas vraiment explicable, il se résume à la vie. A la vie comme elle nous est offerte. A ce qu’il est possible d’en faire si nous prenons ne fut-ce que cinq minutes pour y réfléchir.
Pour vivre, il faut changer. Nos goûts, nos habitudes, nos préférences. La vie ne se résume pas au « j’aime ça », « je n’aime pas ça ». Qui se borne à cela limite sa vie dans tous les sens. Non. Vivre, c’est évoluer. Rien n’est éternel, rien n’est figé. C’est là le privilège de l’être humain. Nous avons la liberté de choisir, nous avons la liberté de changer. Vivre, c’est donner la chance à la vie de nous faire découvrir la nouveauté, de nous transformer, de bouleverser notre intérieur, de corriger, de peaufiner notre être. Chaque jour doit être une métamorphose. Pas complète, loin s’en faut, mais suffisante pour nous faire grandir.
Le jour prend fin à Tunis. Le soleil, fatigué d’avoir brillé toute la journée, perd de sa puissance, il roussit, s’adoucit ; finalement, il se couche. A l’opposé, la lune s’élève dans le ciel. A sa source, elle est d’un jaune vif, et semble être comme une lumière qui s’est détachée de la ville pour s’amplifier et briller dans un ciel prématurément obscur. Encore hésitante, cette lune côtoie les immeubles, caresse les toits. Figée, son mouvement est imperceptible.
J’oublie la lune l’espace de quelques heures. A mon retour, celle-ci, débarrassée de sa timidité, brille dignement dans toute la pureté de son voile blanc. Haute dans le ciel, elle n’observe plus Tunis d’en bas mais la surveille d’en haut.
Un coup d’œil, la lune est déjà hors de vue. Elle connaît sa beauté, elle se veut éphémère.
lundi 26 juillet 2010
Un dimanche plein de beauté…
Day twenty four – 25.07.2010
La lune brille dans toute la puissance de sa beauté. Fière et timide à la fois, elle se cache par moments derrière les quelques nuages qui persistent dans le ciel de Tunis ; comme le ferait une reine derrière son éventail. Les étoiles sont peu nombreuses. La plupart sont éblouies par l’éclat blanc de la reine. Celles qui sont présentes, déterminées à ne jamais laisser celle-ci sans escorte, scintillent toutefois avec douceur, comme pour ne pas faire concurrence à la lune.
Cette journée m’apporta la surprise de sa beauté. Le programme s’improvise, les évènements me conduisent. Je danse, je chante, j’adore. Je réfléchis, je mûris, je grandis.
Ce matin, les boutiques, magasins, banques et restaurants qui bordent le chemin vers la médina sont fermés. C’est dimanche. Les trottoirs m’ont l’air large en l’absence des terrasses normalement déployées, des étendards de vêtements habituellement sortis. Et pourtant, Tunis bourdonne. La population, elle, ne suit pas le mouvement des commerces.
9h30. Je suis près de la médina. Ici, les cafés sont pour la plupart ouverts (le tourisme paye). Je m’assieds un instant pour observer. J’adore ça. On voit de tout.
Ici se mêlent population locale, résidents étrangers et touristes en proportions égales. Sans vraiment s’en rendre compte, ils se côtoient, interagissent, vivent ensemble tout en restant séparés.
Après un instant, j’entre dans le marché central qui m’est d’habitude inaccessible (ouvert uniquement le matin). Quelque soit l’entrée que nous choisissons, nous pénétrons d’abord dans la partie du marché aux poissons. Le marché est en effet formé de manière concentrique. Le carré extérieur, c’est le marché au poisson. Aussitôt rentrés, l’odeur envahit les narines, les voix de vendeurs s’amplifient et se chevauchent dans les oreilles. Les poissons émerveillent ma vue. Ils sont partout, tous différents. Je ne sais plus où donner de la tête. Le spectacle est beau.
Je pénètre un pas en profondeur. Les poissons sont remplacés par le marché aux fromages et aux épices. L’odeur de poisson s’évanouit pour laisser place au merveilleux et puissant parfum des épices. Curcuma, paprika, thym, fenouil, poivres de toutes les couleurs, harissa, et j’en passe. Tous s’élèvent et se mêlent pour parfumer délicieusement l’endroit. Un vendeur me fait gouter son miel, avec la cire. Un délice. Mes papilles sont aux anges.
Encore un pas et je pénètre dans le marché aux fruits et légumes. Ici, pas une bosse, pas une déchirure. Les fruits sont beaux, mûrs. Tomates, concombres, courgettes côtoient ainsi bananes, poires, pêches et bien sûr, dattes. Mes deux yeux sont insuffisants pour pouvoir tout observer. Il y en a partout, à volonté.
Le nez encore enivré et les yeux encore émerveillés, je quitte le marché.
Après un petit tour dans le souk encore tranquille du dimanche matin, je reprends le chemin du retour. Le vent souffle encore de toute sa force sur la ville oubliée du dimanche.
Vive le vent, vive le vent…
Day twenty three – 24.07.2010
Aujourd’hui, mon projet de voyage vers Dougga avorté, je décide de me construire une journée tranquille. Après un petit moment de doute à la vue du ciel gris qui a voulu couvrir Tunis ce matin, je décide de tenter ma chance et de partir, comme prévu, pour la plage de Hammamet. Ainsi, je hisse les voiles (ou plutôt je monte dans le louage, chacun sa manière de voir les choses), en direction de Hammamet. Au fur et à mesure que nous roulons, la grisaille laisse place à un ciel bleu. Ouf !
J’arrive à Hammamet avant même le réveil des coqs. Non, je blague, mais il était quand même très tôt… La plage est quasiment déserte, si ce n’est pour les quelques mères entièrement voilées qui attendent leurs enfants les pieds dans le sable. Je m’assieds. Une de ces mères me sourit. La journée commence bien.
Ce que je pensais être une journée tranquille de lecture et de bronzette avec vue directe sur la mer bleue se révèle vite tourner au duel terrible entre l’Homme et le sable. Aujourd’hui, je l’avais vu à la météo, le vent souffle fort sur Hammamet. Sur le coup, faisant preuve d’une naïveté prononcée, je me suis dit « Et alors ? Ca rafraîchira ! ». Mmm… Ca aurait été vrai, si ce n’est pour le seul fait que la plage est faite de sable. Allongée sur la plage, le vent soulève le sable qui vient heurter violemment ma peau. Je sens comme des minuscules coups de fouets partout. Le sable s’immisce jusque dans mes narines. Mmm. Têtue comme je suis, je persévère. La figure toute froncée, le corps entièrement tendu comme une tige, je reste sur la plage 1h30.
En me levant, je me rends compte que j’ai du sable jusque dans les yeux. Ne parlons pas des oreilles et des cheveux… ! Les mères voilées me regardent, elles me sourient. Elles compatissent, c’est gentil. L’espace d’une seconde, je vois l’avantage de leur voile. Je reprends ainsi mon chemin. A 13h, je suis de retour à la résidence. Le sable craque encore sous mes dents.
Mais je suis quand même contente. J’ai fait ce que je voulais, je suis restée le temps que je voulais. J’ai senti le sable (… !), j’ai senti l’eau, j’ai senti le soleil. Je ne voulais rien d’autre.
Cette après-midi, après une bonne douche, les siestes s’enchaînent. La chaleur, mêlée au vent qui n’arrête pas de montrer sa puissance, me bercent aux pays des songes. Je me décolle de mon corps pour m’envoler vers l’ailleurs. Je garde ainsi un pied à Tunis, mais mon esprit est ailleurs.
Le Bardo
Day twenty two – 23.07.2010
Le soleil repose à présent sur Tunis. Sa lumière caresse les maisons blanches de Tunis en les couvrant d’un voile d’or. Aujourd’hui, après les cours, je me remets en route. Direction Tunis ouest. Situé à la sortie de la ville pour Bizerte et Béja, à côté du campus universitaire, ce musée est supposé rassembler des trésors archéologiques et artistiques de toute la Tunisie, au point de se placer en première place dans le classement des musées maghrébins.
Il fut créé en 1882 dans l’un des pavillons du palais beylical (habité par le Bey, grand chef d’une ville). Pour m’y rendre, je décide à nouveau de me fondre dans le quotidien des tunisiens. Je découvre un métro (qui est plutôt comme un tram) dont le fond ressemble comme deux gouttes d’eau au métro parisien ou londonien. Pour ce qui est de la forme, les trains me rappellent ceux présents en Europe dans les années 1960. Le réseau, parfaitement bien pensé, me mène en six stations et 15 minutes à la station Bardo. De là, cinq minutes de marche.
Mon arrivée est teintée de surprise. Au premier coup d’œil, l’emplacement du musée est occupé par un grand bâtiment blanc… en pleine construction… ! Mmm. Timidement, je décide de pénétrer sur le chantier. Après quelques pas, j’aperçois, au loin, un petit panneau : Entrée. Wow ! Il y a quand même un musée derrière tout ça ! J’apprends que le musée est en pleine reconstruction et que plus de la moitié des œuvres ne sont pas
accessibles. Dommage !
Ma visite dure un peu moins d’une heure. De magnifiques mosaïques envahissent les salles, se dressent jusqu’au plafond et ornent parfois même celui-ci ! J’entame à nouveau mon voyage dans l’histoire. Ces mosaïques, extrêmement réalistes, représentent avec exactitude une quantité de scènes. Parmi elles, la représentation des saisons sous forme féminine est récurrente.
Le Bardo ne m’aura pas impressionné. Je ne sais pas si c’est à cause du nombre limité d’œuvres disponibles, ou à cause de ma nature « a-musée » assez prononcée, mais je n’accroche pas énormément. Je trouve que le musée manque d’explications, de parcours défini. L’audio-guide me fournit pourtant d’intéressantes informations, mais son offre se limite à quatre ou cinq œuvres sur l’ensemble, qui compte peut-être 150 à 200 pièces.
Sur le chemin du retour, je croise deux amis. Ils vont au cinéma. Ils m’invitent à les accompagner, j’accepte. La chaleur de cette après-midi à Tunis est difficilement supportable. Les cinémas tunisiens ressemblent aux petits cinémas « septième art » européens. Une, maximum deux salles, ils présentent un film trois fois par jour. Le film que nous iront voir, « Coup d’éclat », date de 2003. Dans une salle moyenne, « climatisée » (on entend le climatiseur mais impossible de sentir la fraîcheur), le film commence. Cliché sous tous les angles, mais reposant.
La journée se finit. Aujourd’hui, j’ai voyagé des débuts du premier millénaire à la fin de celui-ci, de la production de la patience à l’art de l’impatience. De l’art d’hier à l’art d’aujourd’hui. L’être humain évolue. Constamment. Ses intérêts, ses pratiques, ses ambitions, son mode de vie, ses techniques ; tout cela forme un tourbillon de changement perpétuel. L’Homme ne s’arrête jamais. Au départ humble, il cherche à se marier avec son environnement ; par la suite orgueilleux, il cherche à oublier celui-ci.
jeudi 22 juillet 2010
Le temps passe…
Day twenty one - 22.07.2010
Le temps passe. Le temps est passé. Profiter de chaque seconde pour ne pas la voir passer.
Les jours défilent et je vois petit à petit la fin de mon séjour se profiler à l’horizon. Même s’il n’est qu’un vague petit point au loin, encore bien caché par une bonne quantité de projets, il se fait sentir. En faisant la liste de tout ce que je voudrais encore faire, je me rends compte que le temps ne me suffira pas. La Tunisie gardera des surprises à me dévoiler.
Comme par automatisme, je recommence à envisager l’éventualité pendant un mois évanouie d’un retour en Belgique. Mais je suis heureuse. En un mois seulement, j’ai réussi à m’imprégner de la culture tunisienne à un tel point que je pense que je serais aussi dépaysée en rentrant que je ne l’ai été en arrivant. Ce qui est sûr, c’est que mon regard aura profondément changé. Mon regard sur la vie, sur le passé, sur le présent et sur l’avenir et la manière d’aborder l’ensemble.
Les voyages changent la personne, je l’ai déjà dit. Mais celui-ci m’aura touché outre mesure. Aujourd’hui, je me sens vivre. J’ai appris à grandir dans les bonnes, mais aussi dans les mauvaises surprises. J’ai appris à m’adapter, à continuer malgré les obstacles.
Mais j’arrête à présent de parler comme si ce voyage appartenait au passé. Il me reste une semaine, une semaine qui m’apportera, j’en suis sure, si pas autant de surprises au moins autant d’émotions que les précédentes.
(Sur la photo, le premier rayon du soleil sur les dunes du Sahara)
Le jasmin…
Day twenty – 21.07.2010
Plante dicotylédone appartenant au genre Jasminum.
La petite taille de cette fleur en cache la puissance. D’une simplicité étonnante, elle se tient pourtant fièrement aux côtés de la rose en tant que reine de la parfumerie. Mais le jasmin est réservé aux âmes patientes : pour obtenir un kilo d’essence absolue de jasmin, pas moins de sept millions de fleurs sont nécessaires.
Les siècles se sont écoulés et le jasmin reste en Orient le symbole de la beauté et de la tentation féminine. En Inde, Kamâ, le dieu de l’amour, touchait ses victimes par des flèches garnies de fleurs de jasmin.
Pour moi, cette fleur, en plus d’être un beau signe d’amour, rend un message encore plus fort grâce à la sincérité que rend sa simplicité. Comme en réaction à la parure sophistiquée de la rose, dont la pureté et la finesse des traits sont supposés rendre l’impossible perfection du sentiment, la fleur de jasmin se tient dans toute la dignité de sa simplicité. Constante, naturelle, sincère, éternelle, pure.
On raconte que Cléopâtre serait allée à la rencontre de Marc Antoine dans un bateau dont les voiles étaient enduites d’essence de jasmin.
Ainsi une fleur aussi humble vient se mêler au sentiment le plus compliqué qui existe. Deux opposés viennent s’unir. Comme par rébellion, la fleur de jasmin semble vouloir refléter sa simplicité dans le sentiment. L’amour ne serait alors que beauté, qu’authenticité, que bonheur.
En Tunisie, le jasmin blanc est la fleur emblématique : en offrir est une preuve d’amour.
Une fois entrés dans la ville, cette petite princesse envahit l’espace. Si par hasard le promeneur ne la voit pas alentour, il peut certainement en atteindre l’odeur sans grand effort.
Pendant la journée, les fleuristes (tous masculins) travaillent sans cesse pour faire ces petits bouquets. Les yeux fixés sur leur ouvrage, les mains dansant aussi vite que défilent les petits bourgeons, ils n’arrêtent pas. Le soir, ces petits bouquets finement ficelés feront le tour des restaurants, cafés et terrasses de la ville, cherchant un cœur trop plein qui chercherait à s’exprimer.
mercredi 21 juillet 2010
Qui ne sait pas ce que c’est mourir un peu ne sait pas ce qu’est vivre pleinement
Day nineteen – 20.07.2010
La vie est une succession de chamboulements. Elle nous met, pas constamment, mais régulièrement, à l’épreuve. L’important est de les franchir. Qui ne sait pas ce que c’est mourir un peu ne sait pas ce qu’est vivre pleinement. Qui a l’illusion d’une vie parfaite ne voit que la fleur sans voir les épines.
La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Les obstacles sont partout, surgissent en surprise. L’important, c’est de ne pas se braquer, de ne pas se cacher ; mais de continuer, toujours et encore, la tête haute. Je suis en effet fermement convaincue que les épreuves sont un cadeau. Ce sont elles qui nous permettent de grandir. Tel l’hiver, elles glacent, paralysent, tuent. Mais elles ne tuent jamais entièrement. L’arbre, aussi frêle soit-il en hiver, retrouve toujours ses feuilles au printemps.
Chaque année, après chaque hiver, son feuillage reprend de plus belle, devient plus dense. Ses fruits augmentent en qualité, en richesse, au fur et à mesure que les années passent. Comme nous, l’arbre devient plus fort, plus constant. Il gagne en armure, mais ne se blinde jamais. L’important, c’est de ne pas se blinder, de rester vivant, à l’intérieur, dans le cœur.
Jamais une épreuve ne doit fermer notre cœur. Et c’est là tout le danger : la déception, le mal, fend le cœur comme une flèche fend un arbre. Ce cœur cherche à se cacher, à s’isoler, à se protéger, tout simplement. Naturellement, il cherche une carapace pour s’y réfugier. Or, le cœur doit battre libre pour pouvoir être juste. Juste avec les autres, juste avec nous-mêmes. Un cœur doit grandir, jamais se réduire. Grandir avec les joies, bien sûr ; mais grandir avec les peines, aussi.
Ne jamais perdre du temps à prolonger la douleur. Oui, la douleur fait du bien, elle nous rappelle à la vie et à sa réalité. Toutefois, après lui avoir donné le temps de retrouver son élan, ne jamais regarder en arrière. Le cœur aura apprit sa leçon, pas besoin pour la raison de se la remémorer.
Ce texte est très différent de celui que j’avais en tête il y a une heure. Les aléas de la vie…
A vos pinces à linge, savon… Partez !
Day eighteen – 19.07.2010
Après avoir dormi 3h la nuit dernière (4h celle d’avant et 2h la précédente), je suis un peu fatiguée. Mon corps ne semble pas l’entendre de cette oreille. Il a l’illusion de l’énergie. Cinq heures de cours et quatre cafés plus tard, je reviens d’un pas ferme à la résidence.
A vos pinces à linges, prêts… Partez ! Et c’est parti pour le marathon. Trois bassines de lessive se succèdent. Ma chambre ressemble à un étendoir. Des flaques d’eau garnissent le sol. Merveilleux… ! Bref, ça sèchera. Oh… Voilà, il est déjà 19h... Heureusement ma première lessive est sèche et peut laisser place à celle qui trempe encore dans la bassine.
Ouf. Mon drap de lit est sec, je vais pouvoir dormir cette nuit. Rien que cette pensée me réjouit. Après un dîner bâclé (je commence à en avoir marre des repas froids…), une douche bien méritée dans une douche semi-occupée par ma bassine encore pleine de linge, je me glisse doucement dans mon lit… Je me sens sourire. La journée est finie, la nuit, si attendue, va enfin prendre place… !
lundi 19 juillet 2010
Voyage dans le temps.
Day seventeen – 18.07.2010
= 21h30 de bus. 3h de 4x4. 1h de chameau. 1073km. 16,5L d’eau =
A notre arrivée, le calme règne déjà sur Tunis en ce début de nuit. Je retrouve la douce brise du bord de mer, les rues citadines et les petites boutiques s’alignant, rideaux fermés. Le début de notre aventure me semble si lointain que j’ai plutôt l’impression d’un départ en vacances que d’un retour. J’ai tellement adoré le voyage, la découverte, les rencontres, que j’ai inconsciemment espéré son éternité. A chaque fois au moment de clôturer une aventure, encore complètement plongée dans le rêve, je reviens brusquement à la réalité. Et c’est là, à ce moment précis, que je réalise à quel point cette expérience m’a touchée et m’a changée.
7h du matin. Notre bus nous mène vers d’autres horizons. Nous entamons doucement notre remontée vers le Nord, par Kairouan puis El Jem. Deux villes où j’étais déjà passée la semaine dernière, après mon périple au Sahel. A Kairouan, nous visitons la Grande Mosquée au rythme des commentaires de notre guide. En 680, la région étant pauvre en matériaux de construction, Okba ibn Nafi, le fondateur de la ville de Kairouan, dresse l’édifice à partir de pierres récupérées des ruines romaines de… Carthage ! C’est ainsi que figure, sur la partie basse du minaret, une pierre affichant des inscriptions latines… tournées à l’envers ! Peu importe. Pour les musulmans, ces mots ne veulent rien dire. Ils n’ont prit cette pierre que pour son intérêt. C’est également à Kairouan que fut, au 11ème siècle, officialisé le divorce. Selon le Coran, la femme peut en effet divorcer de son mari (à condition qu’elle ne soit pas enceinte de lui), comme elle peut refuser son contrat de mariage.
A la chaleur difficilement supportable de Kairouan, dont la visite devient une véritable épreuve de résistance contre la chaleur, succède le fameux colisée de El Jem. C’est le dernier a avoir été construit, le plus grand et le mieux conservé du monde. Notre guide reconstruit la scène. Passionné par ce site, il nous transmet ses émotions, il nous les fait vivre.
Je voyage. Je me retrouve au milieu de l’arena. Les gladiateurs seront lâchés d’une seconde à l’autre. Je m’éclipse. Cette merveilleuse et palpitante aventure laisse place au musée d’El Jem. Je me place aux côtés des romains au alentours du 3ème siècle. Délicatement, avec le plus grand soin, une mosaïque prend forme sous mes yeux. Celles-ci couvrent aujourd’hui les murs. Véritables chefs d’œuvres de perspective, de dégradés et de couleurs, elles sont tout simplement sublimes.
Parler de ce voyage au passé serait une erreur. A présent, toutes ces merveilles, ces paysages absolument indescriptibles brillent de mille feux en moi, telles les étoiles dans le ciel du Sahara. Ces souvenirs m’accompagneront toujours, partout. La vie peut tout nous offrir comme elle peut tout nous enlever. Mais elle ne peut nous enlever notre cœur, et c’est là que brillent mes souvenirs.
Et songer. Et changer.
Day sixteen – 17.07.2010
= 14h de bus. 3h de 4x4. 1h de chameau. 663km. 13L d’eau =
Cette journée commence sans que la précédente ne trouve sa fin. Le lever du soleil sur les dunes est quelque chose d’absolument inoubliable. Les mots ne suffisent pas pour décrire une telle beauté. Beauté du paysage, beauté de l’atmosphère, beauté de la chaleur dans le cœur, beauté enivrée, beauté infinie. Avec mon ami français, chacun entouré d’un drap blanc, nous nous tenons assis comme deux pyramides humaines sur le haut d’une dune, en plein milieu du désert. Le calme rayonnant par sa présence concurrence le soleil encore timide. Les dunes enfilent des contrastes de lumière et d’ombre qui émerveillent le voyageur. Le bédouin fait sa prière. En communion avec la nature qui l’accueille, il prie allah pour cette journée.
Une fois le soleil brillant à nouveau de toute sa puissance, un autre bédouin pétrit la pâte avant de l’enterrer au milieu d’un tas de cendres. Vingt minutes après, le pain est prêt. Délicieux, il craque sous la dent avec ce petit goût fumé qui me séduit.
Nous reprenons la route avant le retour de la chaleur. En compagnie de mes co-voyageurs français, nous embarquons à nouveau dans le 4x4 conduit par notre très cher conducteur : « 20 ans de conduite dans le désert, zéro accidents ! ». Après ce voyage sportif, nous changeons le 4x4 pour le chameau. Notre guide (« this is absolutely really very very important », toujours, pour tout) nous prévient. C’est comme pour l’avion, les deux moments cruciaux, c’est le décollage, et l’atterrissage. L’expérience me remplit de bonheur. Mon chameau s’appelle Lachgar.
Il a un caractère incroyablement doux. Je rêve de l’emmener avec moi, en Belgique, pour changer enfin le bus contre le chameau. Docile, pas de permis requis, il ne mange et ne boit qu’une fois tous les 15 jours. Que demander de plus ? Je reviens à la réalité. Plus réaliste, j’imagine, un voyage de plusieurs jours à chameau. Pour la prochaine fois, inch allah !
Le paysage me donnant trop pour que je puisse trouver le sommeil la nuit dernière, je me rattrape partiellement dans le « confort » du bus. Lorsque j’ouvre les yeux, le paysage a changé. Nous sillonnons à présent au sein de la chaîne de montagne séparant le Sahara de la Méditerranée. Nous arrivons à Matmata, au sud-est.
Nous découvrons le décor qui a servi au tournage des scènes de Star Wars. Nous rêvons un instant, nous nous transportons un moment, nous vivons la guerre des étoiles. Les maisons troglodytiques, creusées dans la montagne et qui forment une série de cratères, se dessinent. Une famille nous ouvre sa porte pour la découvrir. A l’intérieur, la fraîcheur est incomparable. C’est magnifique.
Je suis sous le charme. En voyant cette stérilité pourtant si riche, je me demande soudain ce que l’Homme cherche réellement. La Nature nous offre tout. Vie. Protection. Art. Beauté. Abondance. Aventure. Savoir. Pourquoi l’Homme s’obstine-t-il à foncer alors qu’il devrait plutôt s’arrêter. S’arrêter pour constater. S’arrêter un instant pour s’arrêter toujours. Pour contempler. Pour admirer. Pour réfléchir. Réfléchir à son être, à sa vie, à son but, à ses moyens. J’ai la chance, et c’est vraiment une chance offerte à peu d’entre nous, d’avoir eu l’opportunité exacte et le contexte parfait pour m’arrêter. Et songer. Et changer.
Renaître chaque jour
Day fifteen – 16.07.2010
= 10h de bus. 1h30 de 4x4. 533km. 8,5L d’eau =
J’avoue ne pas savoir quoi raconter aujourd’hui. La vie est trop belle par sa diversité. Sa représentante la plus fidèle, la Nature, m’émerveille sans fin. Sans frontières, elle se dresse comme maîtresse de l’univers. Elle sème sa beauté partout, sans distinction. La Nature ne connaît ni race, ni argent. Juste, elle ne fait aucune distinction dans la répartition de sa beauté.
Ce matin, Tozeur représente un Van Gogh couleur sable. Cette ville, entièrement construite de petites briques jaunes agencées de manière à ressembler à une mosaïque ancienne, m’émerveille par sa beauté uniforme, par sa simplicité, son calme. A 20km de la médina se trouve l’oasis de Tozeur. L’image des trois palmiers au bord d’une petite étendue d’eau situés au milieu de l’infini de sable n’est qu’un mirage des dessins animés. Ici, 250 000 palmiers-dattiers prennent vie. Quel plus beau spectacle que de voir cette abondance de vie pousser au milieu de l’aridité inhospitalière du Sahara ?
Notre véritable mini Paris-Dakar en 4x4 nous fait découvrir la richesse de l’indigence du Sahara. Des dunes se dessinent partout alentour. Un souffle de vent et le paysage change. L’art de la nature est éphémère et changeant, mais reste à jamais fidèle à sa grâce.
Doux comme de la soie, le sable coule tel de la poudre d’or entre mes doigts. Si fin, il se faufile partout. Nous vivons perpétuellement couverts d’une fine couche d’or, un soupçon de la beauté immense du Sahara. C’est comme si la Nature voulait nous rappeler que nous aussi, nous vivons perpétuellement en communion avec elle, qu’elle nous accompagne, nous domine.
La sensation du sable qui file sous mes pieds nus perdure. Le ciel a enfilé son habit noir encre. Des étoiles naissent par milliers à l’horizon, bordent la silhouette lointaine des dunes, poussent pour venir remplir le ciel de gouttes d’or. Chaque étoile semble chercher à briller plus intensément que sa voisine. Elles palpitent, prennent vie. Une fine bande se dresse en toile de fond. Elle parcourt le ciel d’est en ouest. Ce fin nuage, ce semblant de lumière, c’est la voie lactée. Le ciel de nuit est plein de vie. Plus que jamais, il affiche son or, sa richesse, son éphémère beauté. Il reflète, maintenant plus que jamais, l’arme la plus puissante de l’être humain, sa vie.
Ici, la vie change de rythme, de couleurs, d’intensité, de musique. Le campement est tenu par un groupe de bédouins. Ces sédentaires à turban connaissent parfaitement les dangers et risques du désert. Toutefois, pleins de vie, une fois la nuit tombée, le couscous dégusté, ils entonnent pleins d’entrain des chants en arabe. La joie se voit sur leur visage, se lit dans leurs yeux. Ils chantent, ils dansent autour du feu, nous invitent à se joindre à eux.
Sous les étoiles, je me prépare à présent à fermer les yeux. J’entame doucement mon voyage du rêve qu’est cette réalité à la réalité que sera le rêve.
Ce soir, j’ai vu ma première étoile filante. Ce soir, je suis heureuse. La nature m’offre sans fin son spectacle. Je fais un vœu…
51°C…
Day fourteen – 15.07.2010
= 7h de bus. 452 km. 4,5L d’eau =
Nous voici arrivés à Tozeur. Il est 22h15. La nuit habite à présent la ville.
Cet après-midi, avec une heure de retard, nous partons enfin. Je suis dans le fameux bus climatisé avec chauffeur, guide et tout ce qui va avec. Autour de moi, j’entends français, espagnol, italien, canadien, anglais, roumain. La Tunisie me manque déjà. Assise à côté de la fenêtre, je m’accroche aux paysages qu’encadre celle-ci et qui me rappellent où je suis.
Les montagnes ressortent comme si les Dieux avaient laissé la Nature libre de tailler à son tour le paysage. Au relief arrondi ou au contraire accidenté, elle se profilent à l’horizon, s’estompent en dégradé pour se fondre dans le ciel.
Au fur et à mesure que nous avançons, la verdure des vignes et des oliviers laisse place à l’aridité du centre de la Tunisie. Les arbres s’espacent, se raidissent, semblent disparaître. De larges étendues de sol sec et nu, parsemées de petites touffes de « halfa », bordent à présent la route. Notre guide nous apprend que de cette plante, les Tunisiens font du papier.
A présent, le soleil descend peu à peu dans le ciel comme une énorme boule d’or dominant l’espace. Ses rayons déposent délicatement une fine feuille d’or sur le paysage. Les couleurs sont réchauffées, plus intenses. Le soleil accélère sa course, joue à cache-cache avec les montagnes. Tout semble à présent baigner dans l’or.
La lune, discrète dans son premier croissant, assiste timidement au spectacle du soleil. Une fois couché, le crépuscule s’installe.
L’or se change doucement en cuivre. Un cuivre profond, mais toujours aussi brillant.
Quelques minutes suffisent à la nuit pour bercer le tableau. Tout est noir autour de nous. Je ne distingue ni le sol ni le ciel ni ce qui nous entoure. La lune reste notre seule guide. Digne, elle brille maintenant d’un jaune vif dans le ciel, estompant tout le reste.
La nuit habite à présent la ville.
dimanche 18 juillet 2010
46°C...
Day thirteen - 14.07.2010
La douce lueur de fin de journée s’attarde sur Tunis. Pendant quelques dizaines de minutes, je retrouve ce moment de la journée que j’apprécie tellement. Tout semble s’atténuer avec le coucher du soleil. La chaleur, le bruit, le mouvement incessant qui a rythmé la journée. Cette douceur trouve son reflet sur l’attitude même des gens. Sachant la fin de la journée arrivée, ils se laissent attendrir, se laissent cajoler par l’accalmie qui s’installe.
J’arrive à la résidence. Les escaliers, extérieurs, me donnent à l’entresol une vue magnifique sur Tunis. J’adore cet endroit de l’escalier. Il y a toujours une fine brise qui y passe. Ca peut paraître bête, mais quand on revient d’une longue balade dans la chaleur humide de Tunis, ça fait tellement de bien !
Aujourd’hui, je me suis rendue compte que je n’avais absolument aucune idée de ce qui se passait dans le monde. C’est si facile ici de se détacher pour se retrouver. C’est fou comme le changement nous confronte à notre propre réalité. En titillant notre vie, il nous dévoile nos habitudes, même celles que nous ignorions avoir. En nous soumettant à la difficulté, il met à l’épreuve notre sagacité. Ces derniers jours, j’ai oublié le monde extérieur pour observer les attitudes, les réactions, les coutumes, la vie. Sous tous ses angles. Captivée par cette nouvelle expérience, mon esprit a fait abstraction de la politique, de l’économie, du sport, tout ce qui touche au monde extérieur. Ainsi je me suis rendue compte aujourd’hui que j’ignorais complètement quel pays avait remporté la coupe du monde de foot. Non pas que ça m’intéresse outre mesure, mais c’est un exemple.
En revanche, je vis des expériences inoubliables. Chaque jour est une nouvelle aventure. Chaque jour est une nouvelle aventure qu’il me revient de construire. De toute pièce. J’aménage mon quotidien pour le rendre unique, pour le rendre légendaire. Toute expérience me confronte soit à la réalité, soit à moi-même. Toute nouveauté a pour effet de mettre en doute une partie de nous-mêmes. Chaque doute amène réflexion. Chaque réflexion amène à un travail sur soi-même. Ainsi, on change, on évolue, on s’enrichit.
La nuit est tombée. Une bouffée de bonheur m’envahit alors que les souvenirs de la soirée d’hier me reviennent en croquant dans une baqlawa. Les couloirs sont calmes ce soir. Le vent ne souffle pas. Quelques étoiles percent le ciel bleu-violet de Tunis. Des étudiants italiens entonnent au son d’une guitare une chanson qui leur rappelle leur patrie. Doucement, chacun rentre dans sa chambre. La nuit est tombée. Une aventure se conclut, mais l’épopée continue.
mercredi 14 juillet 2010
« Ton sourire… est... gentillesse… »
Day twelve – 13.07.2010
Aujourd’hui, j’ai rencontré l'hospitalité. Comme des gardes du corps l’accompagnaient la générosité, et la simplicité. Car c’est avec une incroyable sincérité que j’ai été accueillie aujourd’hui. Mon amie s’appelle Rihab. Elle travaille comme caissière au Monoprix. C’est là que je l’ai rencontrée. Aujourd’hui, d’un pas encore un peu hésitant, je rentre dans sa demeure. Un petit appartement, 50m² tout au plus, où elle vit avec ses parents. Du moins jusqu’à son mariage, en juillet prochain. Son fiancé nous accompagne. Souriant, il fait office de traducteur quand Rihab peine à trouver ses mots.
Nous discutons. Rien de plus compliqué que la simplicité. C’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. Ils m’offrent tout ce qu’ils ont à offrir, sans dépasser la limite qui rendrait cela gênant. Le fiancé part, nous cuisinons. Chouaia chouaia. Nous parlons mi-arabe, mi-français ; mais nous nous comprenons. La barrière de la langue ne nous fera pas obstacle. Nous rigolons. La vie est belle quand on la prend avec simplicité.
Dans la rue se succèdent les cortèges de mariage. Le 11 août commence le Ramadan. Les mariages doivent se célébrer avant. Quatre à cinq mariages par jour, uniquement dans ce quartier. A chaque fois que nous entendons les femmes crier, ou la musique sonner, nous accourons à la fenêtre pour admirer la mariée. Vêtue de blanc, elle est entourée par son cortège de femmes aux costumes richement décorés.
La cuisine est petite, mais dans l’étagère, haute jusqu’au plafond, s’entassent marmites et plats. Ils sont immenses, comme je n’en avais jamais vu. En effet, c’est dans la nature même des tunisiens d’ouvrir leurs portes, recevoir la famille, les voisins, les amis. Tous avec la même joie. La joie de partager, la joie d’être là, de pouvoir en profiter.
Nous mangeons. Ce soir, escalope/frites (tout fait entièrement à la main), assez « typiquement tunisien » que pour s’afficher dans tous les restaurants et snacks de la ville. Pour le plat traditionnel, l’éternel couscous, le vrai, celui qui prend longtemps à préparer, ce sera pour mardi prochain, à partir de 14h.
Les parents rentrent. La mère me salue. Je sens la gentillesse et le respect. Marhaban marhaban marhaban biki (=Bienvenue x3 à toi). Pieuse, je la vois, peu après être rentrée, prier allah dans la salle à côté. Le père, que je ne rencontrerai pas, lui succède. Elle nous amène un plat de fruits frais. Elle ne parle pas français, mais ça ne l’empêche pas de parler sans distinction à sa fille et à moi. A mon départ, au pas de la porte, elle insiste pour que je revienne, quand je veux.
Je repars (déjà !), avec en main, un plateau de baqlawas que le fiancé est allé me chercher spécialement chez sa mère (pâtissière), et avec dans le cœur, une joie que je ne saurais décrire. J’aime la vie pour ce qu’elle m’offre. De surprise en surprise, mon aventure est rythmée par mes battements de cœur.
Rihab et son fiancé me ramènent au taxi. Ce soir, je suis heureuse. J’ai rencontré l’hospitalité sous sa plus belle forme. La soirée m’apprend que la vie a décidé de persévérer dans son authenticité, du moins chez quelques personnes. A nous de persévérer dans la quête de ce nous voulons vraiment être. Ce soir, j’ai dépassé le passé pour construire un avenir. Cette expérience m’aura prouvé que l’avenir se taille à notre mesure. A nous de voir comment nous voulons vivre la vie.
Le repos…
Day eleven – 12.07.2010
Aujourd’hui, retour en cours. Ca fait tout bizarre. J’ai l’impression que la dernière fois que j’y suis allée, c’était il y a longtemps, et que j’ai eu le temps de beaucoup changer depuis. Je crois que, en fait, j’ai beaucoup changé en très peu de temps. Les aventures de ce week-end ne m’ont certainement pas laissée indifférente.
La matinée se déroule bien. Au fur et à mesure que les jours passent, je sens que la matinée passe plus vite. C’est sans doute que j’y prends de plus en plus de plaisir. C’est tellement agréable d’apprendre. Après quelques heures, des dizaines de mots de vocabulaire appris, je parle déjà d’une manière beaucoup plus fluide. Les mots me reviennent, je les agence, et voilà, je parle ! C’est tellement gratifiant, de voir que l’on fait des progrès.
Aujourd’hui, pas de grandes aventures. Les cours, la résidence, puis un petit tour pour aller manger. Histoire de faire contraste avec la journée d’hier, je bouge le moins possible, je me repose. Jeudi, c’est reparti pour un grand voyage, avec le groupe cette fois-ci. Pas de louages ni de trains douteux ni de mobylettes folles dans une médina en plein souk. Cette fois-ci, gros bus touristique bien climatisé avec des toilettes, hôtels 3 étoiles, guide touristique. Ce week-end, je change mes habits d’aventurière pour enfiler ceux de touriste à l’air paumé. A moi le bermuda à poches, le grand chapeau de paille et l’appareil photo qui pend au cou ! Même si j’apprécie franchement moins, ce n’est qu’une autre manière de voir le même paysage. J’espère que je ne serai pas déçue par l’expérience.
Ma journée est finie. Je vais dans ma douche tellement attendue. Rien de tel qu’une douche bien fraîche par cette chaleur ininterrompue.
(La photo date de mon premier voyage à Carthage, sur le site des villas romaines. Très intéressant)
lundi 12 juillet 2010
Tous les moyens sont bons...
Day ten - 11.07.2010
Cinq kilomètres de remparts, dix entrées, 170 mosquées, 50 mausolées… Kairouan se profile comme une forteresse à l’horizon. Première ville sainte du Maghreb et quatrième au monde après La Mecque, Médine et Jérusalem, elle accueille en son sein la première mosquée de l’Occident : la Grande Mosquée, construite par Okba ibn Nafi, fondateur de la ville de Kairouan, en 680. Cette ville devint un lieu d’érudition qui draina des intellectuels de tout le monde arabe, avant de perdre son statut de capitale au profit de Mahdia au 9ème siècle.
Au centre de la médina, Bir Barrouta. C’est sans doute ce que j’ai trouvé de plus original de tout le voyage. Dans une petite pièce au plafond bas et ouverte que d’un côté, un énorme chameau tourne autour d’un puits profond de 20 mètres. Grâce à ce mouvement, qu’il effectue en continu à longueur de journée, de l’eau est puisée et ramenée à la surface. De l’eau fraîche, claire, et potable.
Aujourd’hui fut la journée des louages. Quand je dis aventure, je me rends compte que ce que je pensais être l’épopée du siècle n’en étais pas vraiment une. En effet, ce que j’imaginais comme un véritable cafouillis de voitures partant dans tous les sens et roulant comme des malades, s’est révélé être un système très bien organisé. Dans chaque station (une station par ville), les camionnettes sont rangées par ville de destination. Les chauffeurs sont accueillants, roulent tranquillement, et je n’ai jamais vu quelqu’un prendre les casse-vitesses avec autant de douceur ! J’étais impressionnée. Désireuse de goûter à tous les plaisirs du voyage, je partais avec l’idée d’essayer tous les moyens de transport. Le train pour tous les trajets jusqu’à Sousse, de là le métro jusqu’à Monastir puis Mahdia, le louage jusqu’à El Jem, Kairouan et finalement Tunis. C’est ainsi également que la visite de Kairouan se fera sur… une mobylette ! Eh oui, j’aurai tout essayé !
J’effectue en louage quatre trajets, pour un total de cinq heures et quart de route. Seul hic, ces camionnettes ne sont pas climatisées, et les gens ferment souvent les fenêtres pour ne pas avoir le vent qui leur souffle à la figure. Seulement voilà, sur le chemin vers Tunis, un thermomètre affiche… 40°… Pour couronner le tout, ma bouteille d’eau est vide. Naturellement c’est à ce moment là que défilent au bord de la route les publicités pour de l’eau ou des boissons rafraîchissantes… Je ferme les yeux. Une fois descendue de la camionnette, je me rue vers le premier vendeur d’eau. Rien n’est plus délicieux qu’une gorgée d’eau fraîche quand la chaleur nous accable.
Lentement, je rentre. Les rues de Tunis sont désertes. Je me remémore le voyage. Ce matin je suis allée à El Jem, voir le Colisée romain. Immense, il surplombe la ville de ses 36 mètres de haut et 427 mètres de circonférence. C’est impressionnant. Les touristes sont nombreux et se ruent vers l’entrée. Je décide de le contempler de dehors. Je reste là, une vingtaine de minutes, un jus de fraise à la main, à déguster le paysage que j’ai devant moi.
Tout au long de ce voyage, j’aurais parcouru toutes les émotions. De la joie intense du moment présent à la nostalgie du passé, de la tranquillité à l’excitation, du calme rassurant à la peur qui étouffe les entrailles. J’apprends tous les jours, à chaque instant. Et j’adore ça. On se sent tellement vivant quand on apprend. La vie est une succession imprévisible de bien et de mauvais. Sans cesse, elle nous met à l’épreuve. A nous de lui montrer notre détermination pour la vivre et en profiter.
Mais me voilà de retour à Tunis et à la réalité. A présent je m’en vais au pays des songes, revivre tous les moments forts de ce magnifique week-end.
dimanche 11 juillet 2010
La journée à trois villes
Day nine – 10.07.2010
Il y a cinq mosquées à Mahdia. Chacune a son histoire. A l’heure de la prière, les cinq mosquées entonnent chacune son chant de prière, résonnant dans toute la ville par haut-parleur. Riche en sites et monuments historiques, Mahdia est pourtant un village relativement petit. Toutefois, les épisodes mouvementés de son histoire ont poussé à la construction de fortifications de dix mètres d’épaisseur, dont quelques vestiges impressionnants sont encore visibles aujourd’hui. Propre et accueillante, l’endroit possède cette tranquillité villageoise qui la rend douce et reposante. Parfaite pour une bonne nuit de repos.
Commencée à 5h du matin, la journée fut chargée. Chargée en découvertes, en péripéties, et aussi en imprévus, qui m’ont poussés à l’improvisation. Mais surtout, elle fut riche en émotions. Du véritable labyrinthe de la médina de Sousse aux larges allées de celle de Monastir, de la fraîcheur de la brise matinale à la chaleur étouffante des trains (pourtant « climatisés »), de la pierre colossale couleur sable typique de Sousse aux monuments blancs et finement décorés de Monastir, tout est contraste. D’une ville à l’autre, l’ambiance change. C’est un tout autre monde que je découvre.
Cinq villes en un jour et demi. Fabuleux. Je découvre la Tunisie sous tous ses angles. Toutefois, cinq médinas en deux jours et demi, ça veut dire, si l’on compte une moyenne de 100 vendeurs par médina, un total de 500 vendeurs insistants en 36h. Ca fait beaucoup. Ils sont pourtant remplis de gentillesse et d’attention, et ne font que leur boulot. Mais j’avoue que, à mon retour, je risque de ne pas mettre les pieds dans la médina de Tunis pendant au moins quelques jours.
Samedi. Jour de mariage. La nuit commence à tomber, les cris gargarisés des femmes se font entendre aux quatre coins de la ville. Un cortège passe. A la fin de celui-ci, deux camions transportent tous les meubles de la mariée.
Je garderai à jamais les souvenirs, marquants, de ce voyage. Tout est plaisir, tout est « ciel bleu ». Même si je m’égare (à chaque fois !) quand j’arrive dans une ville, je finis toujours par trouver mon chemin. Les gens débordent d’amabilité, prennent le temps de m’expliquer, soit un fait de culture, soit une tranche d’histoire.
Mosquées, ports, cimetières, mausolées, ribats… Tant d’images défilent dans ma tête. Je veux les fixer à jamais. Qu’elles me servent, dans les moments difficiles, à me rappeler que la vie nous réserve à chacun notre petit coin de ciel bleu ; mais que, toutefois, ça dépend en grande partie de nous de nous donner la chance de le découvrir ou pas.
Joyeux anniversaire
Day eight – 9.07.2010
Les minarets défilent, les uns après les autres. Hauts. Bas. Octogonaux. Carrés. Plein d’ornements, ou au contraire, très sobres. Chacun est unique, à l’image de son village. Je glisse vers l’inconnu. Les villages se font moins nombreux, plus petits. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne viennent d’intercaler aux villages d’immenses étendues de champs d’oliviers. Au loin, la montagne les surveille. De temps en temps apparaissent dans le cadre que forme la fenêtre des troupeaux de moutons, suivis de près par leur berger. Des chèvres fouillent les tas de poubelles. La fenêtre du train se fond pour devenir, l’espace d’un voyage, le cadre de mes pensées. A chaque instant, il met en scène l’art de la vie, de la nature, sans cesse en mouvement.
Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Et je n’ai jamais, mais jamais, été traitée avec tant d’amabilité. Pourtant, personne ici ne savait que je fêtais quoi que ce soit. Cette journée s’est déroulée comme dans un rêve.
Aujourd’hui, j’ai pris le train à vapeur. Comme dans l’ancien temps. Son cliquetis berçait mes pensées, ses coups de klaxon rythmaient l’entreprise. Sillonnant des paysages merveilleux, il m’a doucement amenée à Nabeul, puis à Hammamet. Nabeul, petite ville à 17km de la célèbre station touristique Hammamet, est très agréable. La longue avenue Habib Bourguiba, bordée d’arbres au feuillage dense, nous amène calmement à la plage. Des calèches attendent au bord de la route qu’un promeneur se laisse tenter par la paresse. La petite plage bourdonne d’enfants avec leurs familles. Certains jouent au jokari, d’autres se reposent. Les enfants courent dans l’eau. Chacun trouve son plaisir. Les femmes restent entièrement vêtues, même pour se baigner. Elles me rappellent les clichés européens du début du siècle, avant que le maillot tel que nous le connaissons ne fasse son entrée sur scène.
A Hammamet, je reste fidèle à mon habitude : après une bonne heure de détours et de « paumage », je trouve enfin mon chemin. Rien ne me laisse alors le moindre soupçon des joies qui m’attendent. Ce soir, je serai traitée telle une princesse. Arrivée à l’hôtel, encore au comptoir, un serveur m’apporte un verre à champagne avec… une bonne limonade dedans (eh oui, faut pas rêver ! On est dans un pays musulman tout de même !). Monsieur prend mes bagages et me mène dans les couloirs labyrinthiques de l’hôtel. La porte de la chambre s’ouvre, et là, une véritable suite se dévoile : cuisine, salle de bain royale, salon, et un lit pour au moins 4 personnes ! Le luxe ! Je n’en reviens pas !
La surprise dans le cœur, je sors visiter la ville. La lueur de fin de journée impose le calme sur la ville pourtant encore pétillante de Hammamet. Et arrive alors l’apogée de ma journée : après quelques minutes de marche sur l’avenue Habib Bourguiba se dessine devant moi une magnifique plage de sable fin, déserte… A gauche, un château fort (la casbah) confronte la mer. A droite, le soleil, d’un rouge profond, se prépare à se coucher. Le bord de mer est parsemé de bateaux de pêche, renversés, leurs filets de pêche entassés à côté.
Je m’assieds sur la plage, j’enfonce mes orteils dans le sable. Que demander de plus ? Aujourd’hui, la vie m’a offert les plus beaux cadeaux du monde.
Là, assise dans le sable, le calme complet autour de moi, je pense à tous ceux que j’aime. Oui, ils sont là eux aussi, ils m’accompagnent. Le spectacle est trop beau pour ne pas le partager.
jeudi 8 juillet 2010
La lecture, un voyage éternel
Day seven – 8.07-2010
Hier dans le train j’ai vu une femme en train de lire. C’est tout bête, mais je trouve ça fantastique. Qui lit, apprend. C’est immédiat. Lire, c’est savoir. Et quand je dis lire, c’est n’importe quoi, vraiment. D’un roman à un magazine de foot, en passant par la BD, les mangas ou la presse gratuite. D’un livre de couture à un programme de théâtre. La simple image de quelqu’un qui lit me remplit d’espoir. Parce que cette personne a choisi de lire. Elle a préféré la lecture au MP3, au bavardage, ou même au simple fait de ne rien faire. A chaque mot que nous lisons nous faisons un pas de plus vers le savoir. Lire c’est ouvrir une fenêtre vers l’infini. C’est s’ouvrir à l’immensité du monde. C’est accepter d’apprendre, mais aussi de se mettre en question. Chaque lecture est une expérience. Au fil des mots, elle nous transforme, nous porte à la réflexion, au questionnement, elle titille notre curiosité, nous ouvre l’esprit. La lecture nous fait voyager, mais par un double voyage : elle fait voyager dans le monde, mais nous fait également voyager au plus profond de nous, au cœur même de notre être. Elle nous fait mener, l’espace d’un instant, une autre vie, dans un autre espace, à un autre moment. Chaque lecture est un dépaysement. Et celui qui cherche à être dépaysé a déjà un avantage par rapport aux autres.
Je disais donc que, hier, j’ai vu une femme en train de lire. Dans le train. Mais ce n’était pas n’importe quelle femme. Une femme entièrement voilée de la tête au pied, assise, tenais dans ses mains un livre. De plus près, il ne s’agissait pas non plus de n’importe quel livre. Lorsque je l’ai vu, le titre m’a fait sourire : « Les hommes sont de Mars et les femmes sont de Vénus ». Ca m’a étonné. J’avais toujours cru que les femmes musulmanes acceptaient au nom de l’islam que leur mari leur traite comme bon lui semble. Jamais je n’aurais imaginé qu’une femme aussi pieuse ne puisse chercher à comprendre ou à résoudre les problèmes avec son époux. Cette image m’a fait sourire. Je me suis sentie tout d’un coup à la fois pleine d’admiration et à la fois pleine d’espoir : une femme musulmane (premier espoir), qui lit (deuxième espoir), pour se faire respecter (troisième espoir). Je suis à mon comble. Le monde change plus vite qu’on ne le pense.
Par contre, on a ici la preuve qu’une chose semble ne pas changer : les hommes sont insupportables, et partout (blague :p).
Je m’immisce chaque jour un peu plus dans ce riche monde qu’est la culture tunisienne. Au fil de rencontres, j’apprends. Enormément. Rien ne vaut l’interaction réelle avec la culture locale pour vraiment apprendre son fonctionnement. J’ai l’impression de découvrir un monde plein de merveilles. Avec précaution, je fais mes premiers pas…
Ce week-end, programme chargé. Je pars à l’aventure. A lundi pour les récits !
Retour à Carthage. J’ai finalement (re)fait (pour la millième fois...) le tour de la ville, mais ça y est, j’ai trouvé le fameux musée! N’empêche, il a failli encore une fois me filer entre les doigts… ! A l’intérieur, je ne n’ai rien trouvé d'absolument spectaculaire. Toutefois, j’avoue que moi et les musées ce n’est pas vraiment l'alchimie parfaite. Je préfère voir les œuvres dans leur cadre naturel, plutôt que dans un cadre de bois. Je préfère l’authentique au transposé.
Bref, tout ça pour dire que j’ai fait un petit détour. Néanmoins, je ne le regrette pas. Je ne regrette jamais rien. Chaque détour dans la vie nous apprend quelque chose. Même s’il nous retarde dans nos projets, ce détour apporte un enseignement, même si celui-ci se limite à l'enseignement de la patience.
Cette fois-ci, le détour m’offre de merveilleux paysages. Désertes, les rues s’offrent à moi. Le mariage de bleu et de blanc dessine la ville. Le blanc semble de fondre dans l’océan que forme l’union du bleu des portes et le bleu du ciel. La douce lueur de fin de journée caresse les façades, titille les carreaux. Le calme est partout autour de moi, il se faufile en moi, m’envahi, m’emporte. Il n’y a que calme et sérénité. Que bleu et blanc. J'ère dans la ville, les yeux grands ouverts. Je veux tout voir, tout absorber. Pas seulement les images, mais la chaleur, les odeurs, l'atmosphère, la douceur de cette fin de journée.
Lentement je prends le chemin du retour. Le calme reste avec moi, il m’accompagne, me préserve. Je rentre, apaisée par tant de tranquillité. Quand j’arrive enfin à destination, la nuit est tombée, Tunis se repose. Seuls quelques cafés rugissent encore au son des matchs de foot. La ville est belle, la vie est belle.